écoute créative, active, sensible, précise,

J’aime être entendu

J’aime être entendu. Un certain nombre de fois dans ma vie j’ai eu l’impression d’être écrasé par des problèmes insolubles ou bien de tourner en rond dans des cercles infernaux. (…) J’ai eu la chance de trouver des personnes qui ont pu entendre plus profondément que moi-même le sens de ce que je disais. Ceux-là m’ont écouté sans me juger, sans porter de diagnostic sur moi, sans m’apprécier ni m’évaluer. Ils m’ont simplement écouté, ils ont clarifié ce que je disais et ils ont répondu à tous les niveaux où j’essayais de communiquer. (…) Chaque fois cela a relâché la tension qui existait en moi. Cela m’a permis d’exprimer les sentiments effrayants que j’éprouvais, les sentiments de culpabilité, de désespoir, les confusions qui avaient été mon lot. Quand j’ai été écouté et entendu, je deviens capable de percevoir d’un œil nouveau mon monde intérieur et d’aller de l’avant. Il est étonnant de constater que des sentiments qui étaient parfaitement effrayants deviennent supportables dès que quelqu’un vous écoute. Il est stupéfiant de voir que des problèmes qui paraissent impossibles à résoudre deviennent solubles lorsque quelqu’un nous entend et que des situations qui semblent irrémédiablement confuses soudain s’éclaircissent lorsque l’on nous comprend. J’ai profondément apprécié les occasions où j’ai rencontré cette écoute sensible, empathique qu’on voulait bien me consacrer.

Quand je ne puis pas entendre.Ce que je déteste vraiment en moi c’est lorsque je ne puis entendre quelqu’un parce que je sais tellement bien à l’avance ce qu’il va dire que je ne l’écoute même pas. Ce n’est qu’après coup que je constate que je n’ai entendu que ce que j’avais décidé qu’il dirait. Je n’ai vraiment pas été capable d’écouter. Ou plus grave encore, il y a les moments où je ne puis pas entendre, parce que ce que l’autre dit est trop menaçant ou pourrait peut-être même influencer mes conceptions ou mon comportement. Mais le pire de tout, c’est quand je me surprends à essayer de distordre son message pour lui faire dire ce que je voudrais qu’il dise et qu’alors c’est bien cela que j’entends. Cela peut être très subtil et je suis surpris de voir avec quelle habileté je puis y arriver. Rien qu’en déformant un tout petit peu ses mots, rien qu’en distordant un tout petit peu sa pensée, je puis faire en sorte que non seulement il dise ce que je souhaite entendre, mais qu’il soit la personne que je voudrais qu’il soit. Ce n’est que lorsque je comprends, à travers sa protestation ou graduellement à travers ma propre conception, que je le manipule subtilement et que je deviens écœuré de moi-même.

Quand les autres ne me comprennent pas. Une autre chose que j’ai apprise et dont je voudrais vous faire part, c’est que je suis terriblement déçu et que je me renferme en moi-même lorsque j’essaie d’exprimer quelque chose qui est important pour moi, qui fait partie de mon expérience intime, de mon monde intérieur et que l’autre personne ne me comprend pas. Lorsque je prends le risque d’essayer de communiquer à quelqu’un quelque chose de très personnel et que cela n’est ni reçu ni entendu, c’est là une expérience vraiment déprimante et qui a pour effet de m’isoler. J’en suis arrivé à croire que c’est cette expérience qui rend psychotiques certains individus. Ceux-ci ont abandonné l’espoir que quelqu’un puisse les comprendre. Et dès lors, c’est leur monde interne, de plus en plus bizarre, qui devient la seule place où ils peuvent encore vivre ; ils ne peuvent plus partager aucune expérience humaine. Je puis sympathiser avec eux parce que je sais que lorsque j’essaie de partager quelque sentiment personnel qui est précieux, intime, fragile et que ma communication ne rencontre qu’évaluation, consolation ou bien encore distorsion de ma pensée, j’ai alors une réaction violente : « oh, à quoi bon ! ». C’est dans ces moments-là qu’on éprouve ce que c’est que d’être seul.

Comme vous le voyez, une écoute créative, active, sensible, précise, empathique, non judicative, est pour moi une chose extrêmement importante dans la relation. Il est essentiel pour moi de pouvoir prêter cette écoute aux autres. Il a été extrêmement important pour moi, à certains moments de ma vie, de recevoir cette écoute. J’ai l’impression que je me suis épanoui lorsque j’ai pu la fournir. Je suis bien convaincu que je me suis épanoui et que j’ai été détendu et renforcé lorsque j’ai reçu ce genre d’écoute.

Carl Rogers – extraits, suite de l’article précédent « J’aime écouter ».

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