Ainsi le premier sentiment, tout simple, que je désire partager avec vous, c’est ma joie de pouvoir écouter quelqu’un. Je me souviens d’une chose qui s’est passée plusieurs fois dans les premiers temps où j’allais à l’école. Un enfant demandait quelque chose à l’instituteur et celui-ci lui donnait une réponse parfaite, mais à une question entièrement différente. Je sentais alors en moi un sentiment de détresse, j’avais envie de crier : « mais vous ne l’avez pas écouté ! » J’éprouvais une sorte de désespoir enfantin devant le manque de communication qui régnait (et règne encore).

Je crois que je sais pourquoi il m’est agréable d’écouter quelqu’un. Lorsque je parviens à entendre réellement un autre, cela me met en contact avec lui. Cela enrichit ma vie. C’est en écoutant les gens que j’ai appris tout ce que je sais sur les individus, sur la personnalité, sur la psychothérapie et les relations interpersonnelles. Mais il y a là encore une autre satisfaction pour moi. Lorsque j’écoute réellement quelqu’un, c’est un peu comme si j’entendais la musique des sphères célestes, parce que derrière le message immédiat – peu importe son contenu – il y a l’univers, le général. Cachées au sein des communications personnelles que j’entends réellement, il semble qu’il y ait des lois que nous trouvons dans l’univers. Ainsi j’éprouve à la fois la satisfaction d’entendre cette personne particulière et la satisfaction de me sentir d’une certaine manière en contact avec la vérité universelle.

Lorsque je dis que j’éprouve de la joie à écouter quelqu’un, il s’agit, bien entendu, d’une écoute en profondeur. Je veux dire que j’écoute les mots, les pensées, les intonations, la signification qu’y met la personne et la signification qui se trouve au-delà de l’intention consciente de celui qui parle. Parfois aussi, dans un message qui apparemment n’est pas important, j’entends un cri humain profond, un « cri silencieux » qui se trouve enfoui, inconnu, loin au-dessous de la couche superficielle de la personne.

Aussi ai-je appris à me demander : est-ce que je puis entendre les sons et saisir la forme du monde intérieur de cette personne ? Puis-je entrer en résonance avec ce qu’elle dit, puis-je en laisser chanter l’écho en moi, assez profondément pour retrouver aussi bien le sens qui l’effraie et que pourtant elle voudrait communiquer, que le sens qu’elle connaît…

Carl Rogers, L’écoute active (extrait)

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